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Les origines du Jazz | Michel TOYER | 17 Septembre 2011 |
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Michel Toyer est également auteur d'un ouvrage intitulé :
"Quand les poètes chantent la science" aux éditions Transvalor Presses
des Mines
Michel Toyer et sa charmante épouse Nicole,
ont brillamment et musicalement ouvert cette 7ème saison des "b'arts des
sciences". A un public attentif, nombreux et sympathique,
ils ont fait un
historique passionnant de cette musique dont les origines restent toujours incertaines.
A l'aide de morceaux choisis, souvent très anciens et parfois émouvants,
Michel
nous a fait suivre le parcours du jazz, depuis l'Afrique jusqu'en Europe en
passant, bien sûr par les Etats Unis.
Il ne sera pas facile ici de
résumer l'intégralité de sa conférence; je me bornerai donc à lister ce qui m'a
semblé essentiel.
- Tout d'abord les origines du
mot "jazz". Rien n'est moins sûr !
du terme français jaser (discuter, palabrer) ?
de l'argot avec des connotations sexuelles (gsm, patois créole) qui indiquait
l'énergie ou la force (voire l'éjaculation !) ;
des racines africaines comme le mot bantou jaja (« danser », « jouer de la
musique »), sur le terme africain jasi (« être excité ») ;
d'une déformation du chassé ou chasse-beau, figure du cake-walk (danse du
gâteau, à la mode au XIXe siècle) ;
etc.
Quoi qu'il en soit, cette musique liée à l'histoire du
monde occidental, européen et africain, ne laisse personne indifférent et elle
s'est peu à peu, au cours des années, métamorphosée
pour devenir, de nos jours,
un grand mélange (parfois excessif) de rythmes et de sons très variés.
Ce dont on est sûr, c'est que le premier enregistrement
audio date de 1919 avec, comble du surprenant, un orchestre composé de
musiciens blancs l'Original Dixieland Jass Band.
Ils étaient originaires
de la Nouvelle Orléans, dont on peut - là c'est certain - , confirmer que
cette ville est le berceau du jazz.
Les sonorités du jazz sont
également caractéristiques :
a- Tout d'abord un timbre, un vibrato triste dans la voix
des chanteurs. L'expression d'une souffrance, la Blue Note, la "Note
bleue" en anglais. To be blue, c'est "broyer du noir" ;
dans une
forme musicale, le "blues" (douleur parfaitement compréhensible si on
se remémore la triste histoire des peuples d'Afrique mis en esclavage en
Amérique par les occidentaux.
Pour la culture du coton, de la canne à sucre et
dont Michel rappelle avec un peu de sarcasme dans la voix que la fin
(théorique) de l'esclavage date de 1808 !!
C'est peut-être une conséquence de cette souffrance vécue, mais Michel
nous affirme que les africains ont dans la voix une gamme différente de celle
des occidentaux, lui qui pour son travail,
a longtemps vécu sur ce continent.
Il nous a d'ailleurs fait écouter un morceau instrumental composé pour lui par quatre
ouvriers (bouteille, balafon et voix). Composition poignante
et hors du temps que l'assemblée (moi en tête) a absolument voulu réentendre à
la fin de la conférence !!
b- Ensuite un rythme binaire
qui favorise le swing (mot anglais signifiant "balancement" comme
pour une pendule).
Bien sûr, le jazz, lié intimement à la vie (quelle vie ??)
de ces esclaves arrachés à leur patrie, à leurs racines (souvent par des
négriers issus eux-mêmes de leur tribu !) ne pouvait
que s'imprégner de
souffrances, de larmes... et de travail. Cicatrices fondamentales dont les
Etats Unis actuels sont à présent héritiers.
Michel nous cite cette
phrase qui est un peu comme une boutade (l'est-elle vraiment ?) de Clint
Eastwood qui déclara :
"Les Etats Unis n'ont rien apporté à la culture mondiale, si ce n'est
le western et le jazz".
Le jazz est né par le déplacement malgré eux d'hommes et de
femmes qui ont exprimé leurs douleurs avec le seul instrument qu'ils avaient :
la voix. Vinrent ensuite les accompagner,
balafons, banjos, cornets (et non
trompettes... trop cher), baguettes et bouteilles, casseroles, bols, planches à
laver etc.
Le jazz est une musique du cœur, de l'âme ... et du rythme
!
Même si, (c'est l'opinion de Michel), depuis une vingtaine d'années, à force
d'être mélangé "à toutes les sauces", le jazz s'est (ce sont ses
termes) abâtardi.
(Moi je n'y connais pas grand chose en jazz, mais je comprends son point de vue
!)
Michel nous parle ensuite du Capitaine Smith, un sujet de
sa Gracieuse majesté Jacques 1er qui acheta le premier lot d’esclaves débarqué
aux Etats Unis treize ans avant les pèlerins
du Mayflower (1620) Il s’empara
d’un territoire d’Amérique du Nord qu'il nomma... Virginie. Ce serait donc l'un
des premiers occidentaux à avoir acheté des esclaves (enfin, ceux
qui
descendaient vivants sur le port après une traversée depuis l'Afrique, sans eau
ni nourriture !!) Ce serait donc l'un des premiers initiateurs du jazz ... Un
esclavagiste mélomane en quelque sorte.
Le jazz, a donc puisé ses
sources dans l'esclavage, pour peu à peu se propager sous diverses formes :
1- Tout d'abord dans les
plantations de coton et de canne à sucre (également le transports des rails de
chemin de fer).
2-Ensuite dans les lieux saints : Eglises, mais aussi et surtout les Temples où
pasteurs prédicateurs, menaient leurs sermons souvent sur des rythmes ...
endiablés.
Pensons également au Gospel qui ne laisse personne indifférent. 3-
Ces compositions ont donné peu à peu ce que Michel nomme les "chorales
d'Université" (chants religieux)
4- Les "Ermites" dans les campagnes : des hommes et femmes qui
parcourent le pays en prêchant la bonne parole
5- Les concerts de Music-hall (Quel régal que ce "Jéricho" air
bien connu que Michel nous fit écouter !!)
6- Les griots des rues, conteurs, troubadours qui sur des mélopées simples (et
parfois répétitives), exprimaient l'amour, leur personnalité, leur Moi.
7- Les musiques d'enterrement. Au cours de la cérémonie, les pleureuses
commençaient à geindre pour exprimer leur souffrance d'avoir perdu un proche,
puis, peu à peu, le rythme aidant,
chacun frappait dans ses mains en chantant.
Un bon moyen pour que le défunt ou la défunte soient accueillis au Paradis avec
classe et gaieté.
Enfin pour conclure, il convient d'évoquer le Ragtime,
musique bien plus rythmée, qui serait née parce que les riches blancs européens
désiraient entendre des airs "de chez eux"
(comme la polka, la
mazurka, la valse). Notons que le Charleston serait également né de cette
nostalgie.
Bien sûr parmi les œuvres que Michel et son épouse Nicole
nous ont fait entendre, citons Sydney Bechet, le Golden Gate Quartet, Gertrude
nommée "Ma" Rainey,
la première chanteuse enregistrée (et qui
interpréta une chanson évoquant la plainte des esclaves dans un champ de coton,
face à un insecte... qui bouffait tout !!).