Le Samedi 8 Février 2020 à 16 heures
Madame Ghislaine BARRET a proposé une conférence sur le thème :
"
Les bagnes"
au Musée LABENCHE
  Merci à monsieur RIGAU-JOURJON,  directeur et à son personnel, de nous avoir ouvert les portes du Musée !

Photos et compte-rendu 

Par Didier  

Madame Ghislaine BARRET, dont vous trouverez quelques informations la concernant dans le cadre photo ci-dessous, est une conférencière exceptionnelle, qui captive son auditoire, autant par ses talents oratoires que par sa connaissance remarquable des sujets qu'elle traite ; ce jour : les bagnes.
Madame BARRET est
- Docteur en géographie,
- Professeur d'histoire- Géographie
- Spécialiste de l'histoire de l'Afrique et de la colonisation
- Chargée de cours à l'université tous Ages de Limoges

Médaille d'Argent du Centre National de la Recherche Scientifique
Officier de l'Ordre de l'Education Nationale du Gabon

Elle précise que se débarrasser des criminels en tous genres est passé dans notre société (voire celle des autres pays également) par diverses étapes.
Au moyen-âge, tout d'abord, avant la mise en place des bagnes : la condamnation à mort, pure et simple, puis, sous le règne de Charles VII (1403 / 1461) et le célèbre Jacques Coeur, les galères, dans lesquelles on emprisonnait oisifs et vagabonds, pour qu'ils ... rament... sans nuire à personne.
Depuis Marseille, Toulon, les pauvres diables parcouraient la Méditerranée traités comme des esclaves durant leur peine, laquelle variait selon leur condamnation ; en moyenne de 3 ans à ... vie. Leur tâche : remuer des cailloux, effectuer des travaux inutiles et sans but réel... surtout pas destinés à les réinsérer.
A l'époque de Louis XIV, l'Amérique découverte, on privilégia davantage l'Atlantique et les "prisons flottantes", sur lesquelles, des
milliers d'hommes, fouettés, enchaînés, marqués au fer rouge vécurent l'enfer. Puis ces embarcations n'étant ni sûres ni suffisantes, on encouragea les bagnes terrestres.
Toulon encore, puis Tataouine, Biribi, en Afrique du Nord.
Les bagnards, attachés par deux (un jeune et un ancien), dans un rituel nommé "mariage" se déplaçaient en nombre, encadrés  par des gardes, formant une chaîne humaine nommée justement : les chevaliers de la guirlande.
Ces forçats étaient conduits dans des baraquements non chauffés, cela va de soi, nourris sans conviction (pain noir, fèves, légumes secs...) parfois mauvaise viande lors des travaux de grande fatigue et dormant à même la planche sur des couches nommées tolars. Ils se déplaçaient vêtus de vêtements et bonnets facilement reconnaissables (bonnet rouge ou vert selon la durée de leur peine). 

Comme l'écrivit Vidocq (1775 /1857), - un temps bagnard lui-même, de nombreuses fois évadé, puis directeur de la sûreté- ces hommes étaient placés dans des conditions telles que la rédemption attendue n'était qu'un leurre : corruption, perversion, vices.  A Toulon entre 1856 et 1873, ce sont plus de 5 000 hommes qui passèrent dans les locaux carcéraux insalubres, aujourd'hui disparus. (Ne restent plus en effet que des ruines dévorées par les lianes et la végétation luxuriante)


La marine à voile remplacée par la vapeur, la main d'oeuvre humaine devenant moins nécessaire, Napoléon III eut l'idée à partir de mars 1852, d'ouvrir des bagnes en Guyane, à l'île du Salut notamment où 1000 bagnards fin 1852 furent relégués,... loin de France. Pour des durées agrémentées d'une obligation nommée doublage. Chaque condamné devant, une fois sa peine accomplie... rester sur place le même nombre d'années.
Ainsi un condamné à 5 ans... devait rester 10 ans en Guyane.
Les libérés, sans ressources ne pouvaient s'offrir un retour sur le continent d'une durée de 4 à 5 mois, sur des navires coûteux. D'où un grand nombre de 
désœuvrés souvent ivres et bagarreurs errant sans but dans les rues. Les bagnards travaillant gratuitement, il était difficile, pour les libérés, de trouver un emploi !
Comment dès lors, outre le climat extrêmement rude pour les occidentaux, (50 % mouraient de causes diverses) imaginer un quelconque retour sur le continent !

C'est à Cayenne également que furent
souvent incarcérés des opposants au régime ; déportés politiques dont certains sont célèbres : Collot d'Herbois, Pichegru, Barbé-Marbois.

Les conditions de vie et cette mortalité phénoménale (notamment dénoncées par Albert Londres) amenèrent les autorités de l'époque à rechercher d'autres lieux d'incarcération.
En France sur l'île de Ré où, à Saint-Martin de Ré exactement, fut construite la plus grande des forteresses, centrale où l'on enfermait les condamnés de longues peines.
De nos jours encore, cet établissement devenu prison est encore en activité : 


Nouvelle Calédonie ensuite où 31 000 condamnés furent relégués, mais cette fois, dans des conditions climatiques et d'hygiène bien plus supportables.
Pour occuper ces "rebuts de la société", dont certains avaient été écartés pour des raisons hautement injustes (pensons à Louise Michel ou le capitaine Dreyfus), l'administration, - dont les gardiens subissaient entre autres des conditions de vie guère meilleure
s que les condamnés- les obligeait à construire des bâtiments, percer des routes.
Madame BARRET  nous présente ainsi, sur son diaporama hautement imagé, des édifices essentiellement bâtis par des bagnard : palais, églises, kiosques, souvent fort jolis.
En Nouvelle Calédonie, le climat bien plus humainement supportable, développe chez les forçats, des habitudes souvent lénifiantes. Hormis les instants rudes et pénibles des travaux, il leur était possible de se baigner, pêcher, mais aussi ramasser (et vendre) du bois, fabriquer des briques de construction.
En fait, les conditions de vie (ou plutôt de survie) de chacun, étaient essentiellement dues au niveau de la condamnation proclamée.
- ceux affectés sur les chantiers, dont
Madame BARRET nous dit par exemple que la "Route coloniale zéro", en pleine forêt inextricable, impraticable nécessita 40 ans pour percer une méchante route de 30 kilomètres.
- Les "garçons de famille", sorte d'employés de maison au service des gardiens ; esclaves blancs à la merci de n'importe quelle dénonciation, mais "planqués".
- La bricole confiés à certains condamnés sans gravité, qui "librement" transportaient des bois précieux (hévéa), chassaient des "morphos", superbes papillons bleus très recherchés (moyennant bien sûr un petit pourcentage de leurs gains pour les gardiens)
- Les condamnés modèles (sur "l'île des pins")
- Les méritants, travaillant chez l'habitant.

 
En 1871, eut lieu en Algérie, la première révolte kabyle. Aussitôt, les opposants algériens furent déportés en Nouvelle Calédonie.
En 1878, c'est le tour des kanaks néocalédoniens sous la direction d'un chef nommé Ataï de se rebeller. Aussitôt, (Ataï ayant eu la tête tranchée) les forçats kanaks arrivèrent au bagne.
Ces deux faits historiques, ces "arrivages" d'habitants dans une région assez déserte, ont bouleversé jusqu'à aujourd'hui la composition de la population.
Les bagnards arabes tout d'abord, qui, pasteurs en majorité, élevaient des chèvres, vendaient des fromages.
Les kanaks ensuite, puis les forçats européens, constituant malgré eux (retour au pays impossible) une société
éclectique souvent impossible à concilier.

La France, comme bien d'autres pays d'ailleurs,  traîne derrière elle un lourd passé carcéral et une histoire fort peu brillante.
Tout le monde a en mémoire ces longues troupes de forçats, sabots aux pieds, tatoués, rasés,... plutôt tondus... encadrés par autant de gendarmes, montant
depuis La Rochelle ou l'Ile de Ré, dans des navires bondés, où ils étaient enchaînés, pour un long voyage de souffrances, de promiscuité et souvent de mort.
Les bagnes furent définitivement interdits dès 1938 et fermés en 1946 (le rapatriement des derniers condamnés se prolongeant jusqu'aux années 1950), et l'on peut dire que de tels endroits, nommés mouroirs ou guillotine sèche, tant la vie y était rude et cruelle sont indignes d'une société démocratique.
La sanction, oui ; l'aberration ignoble non.
Il faut certes punir les criminels et les coupables, mais pas se comporter comme eux.

Cette conférence d'un haut niveau de culture, menée de façon magistrale, fut un grand moment de réflexion et d'éducation.
Chacun se rendant compte que la nature humaine a souvent des comportements bestiaux, mauvais...
Personne cependant, même dans notre société moderne, ne peut affirmer "plus jamais ça !" 
Merci madame BARRET pour votre présence à Brive, vous qui animez des conférences 
partout en France.
Nous serons ravis de vous retrouver au musée LABENCHE le  4 avril prochain, pour nous parler d'un thème que vous connaissez bien : l'Amazone.

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