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DES HISTOIRES DE MAMIE

Voici, pour passer le temps et entrer dans l'UNIVERS de MAMIE GRAMMAIRE et ses AMIS-MOTS, quelques histoires qui - je l'espère - vous plairont.
Si oui, faites-le moi savoir (et faites-le savoir...) si non, passez votre chemin, désolé.
Avant tout, le visage des AMIS-MOTS
Mamie GRAMMAIRE bien sûr !


Et ses 9 AMIS-MOTS (voir lescontesdesamismots)



LELALES
l'article
Nom CommunAdjiChantons ChantezJETUIL

àDEPARPOURSANSBEAUCOUP TROPORNICARSIQUANDCOMME
REMARQUE : je place ici les histoires les unes à la suite des autres pour plus de simplicté.

LELALES A MAL AUX DENTS

 En se réveillant ce matin-là, LELALES avait mal aux dents ! Impossible d’avaler son petit déjeuner : camembert, café, tartine au beurre et pâté de lapin. En prime, sur sa joue, une grosse boursouflure pas jolie du tout ! « On dirait une pastèque » fit-il en exagérant un tout petit peu. C’est son style. Aïe ! J’ai mal. Et voilà LELALES qui pleurniche. « Comment je vais faire, moi, pour accompagner NOM COMMUN dans sa tournée des phrases ? » Aïe, la tuile ! Car vous savez sûrement les enfants, que dans toutes les phrases que vous faites, à l’écrit ou à l’oral, les articles sont toujours à côté d’un NOM COMMUN, ou pas loin. Mais avec cette rage de dents et ma tête de melon, pas question de sortir nulle part ; ni dans une phrase, ni dans un poème, ni dans une chanson. Tout le monde se moquerait de moi !

Pour l’instant, pas de panique, il est encore tôt et NOM COMMUN dort encore. La preuve, on l’entend ronfler dans la chambre à côté.

Et LELALES qui fait des grimaces dans la glace, pour voir d’où vient ce sacré mal de dents ; et surtout, surtout, quel remède appliquer pour le faire disparaître, afin de s’occuper sans stresser des accords avec NOM COMMUN !

« Bonjour bonjour ! » fait celui-ci visiblement réveillé ; sur pied mais mal rasé en se grattant la tête. « Oh, que t’arrive-til, LELALES, tu as avalé un ballon de rugby  ? Hé hé. Il rit, fier de son bon mot ; Houlà, mais devant la mine défaite de LELALES, il change de ton. « Ben mince alors, tu as une rage de dents ? »

« Bravo NOM COMMUN, tu es perspicace. En tout cas merci de ton soutien moral. Ta sollicitude ma touche beaucoup » On peut dire que LELALES est sur les dents ; enfin, façon de parler !

« Excuse camarade, je croyais que tu me faisais une blague. »

« Comme si c’était mon genre » soupire LELALES.  Là il exagère un peu car c’est vraiment son style de faire des blagues, d’habitude, mais bon !

Vite, appelons MAMIE GRAMMAIRE. Elle saura sûrement quoi faire pour te soulager dit NOM COMMUN.

Et surtout sauver notre journée grammaticale, car avec ce mal de dents, pas question que je sorte pour distribuer des accords à tout le monde.

« Hou, je n’avais pas pensé à ça. Vite, j’appelle MAMIE ». Il vient de comprendre à quel point la situation est critique !

J’arrive fait MAMIE une fois au courant… Et le fait est, elle arrive en courant !

« Ouvre la bouche, lève la tête, fais Ha, Ho, CHABADABADA… Non, là je rigole ! Ben mon vieux, tu as encore mangé une tonne de confiseries hier soir en regardant la télé » gronde MAMIE.

« Non ! »

« Comment ?»

« Heu, en coutant la radio. »

« Bon sang, mais c’est bien sûr, confirme NOM COMMUN en tapant dans sa main. Des cacahuètes, des fraises TAGADA et du chocolat. Comme tous les soirs ! »

« Et bien voilà ; la gourmandise est un vilain défaut LELALES. Et bien évidemment, tu ne t’es pas brossé les dents avant d’aller te coucher ! »

« Si ! »

« Comment ? »

« Heu, non ! »

« J’en étais sûre ! Vous êtes inconscients, vous les jeunes ; Vous savez bien que les bactéries attaquent vos gencives et l’émail de vos dents si vous ne les brossez pas une fois, voire deux fois par jour ! » « Vous voulez faire comme moi et porter un dentier ? Là MAMIE d’un coup de langue fait avancer son râtelier et franchement, ce n’est pas beau à voir. On dirait que celui-ci va claquer du bec et sortir dans l’atmosphère pour attaquer tout ce qui bouge.

« MAMIE, je me brosserai les dents, mais s’il te plaît, guéris-moi vite ! » LELALES a mal autant à son amour –propre qu’à sa joue.

« Allons ! » Et MAMIE sort de sa poche une petite fiole toute jaune qu’elle ouvre. Bouh ; ça sent très fort !

« Tu vas me peindre les dents en jaune, MAMIE ?

« Tu le mériterais, LELALES ! »

« C’est quoi MAMIE ? » demande NOM COMMUN, un peu inquiet pour son copain.

« C’est une potion à base de clous de girofle.

« Tu vas me clouer les dents MAMIE » demande LELALES inquiet.

« Tu le mériterais. Non, c’est un remède de grand-mère pour faire désenfler la joue et enlever le mal de dents. Cela sert aussi à déboucher les éviers, mais c’est une autre histoire. Il y a du SYNTHOL, des herbes magiques, des clous de girofle et une rondelle de saucisson parce que j’aime bien le goût ! »

« Pouh, ça pue MAMIE ! Encore un peu et LELALES va empester tout le monde quand il va parler. »

« Comme ça, il la fermera, cela nous fera des vacances ! Allez, moussaillon, colle-toi ça dans le fusil, ouvre grand ton tunnel à parlotte et asperge-ti le fond de la glotte !»

Aussitôt LELALES s’exécute, fait des gargouillis et recrache. Quelle délicatesse. En un clin d’œil, sa joue diminue de volume PFFFUUUIT et LELALES, malgré ses dents toutes jaunes retrouve le sourire.

« Ho, merci MAMIE, tu m’as sauvé la vie ! »

« N’exagérons rien. L’haleine sûrement ! »

« Comme ça, je vais pouvoir comme d’habitude, accorder ensemble dans la phrase tous les noms communs, les articles, les adjectifs qualificatifs, oh merci, merci. Viens vite que je t’embrasse !

« Heu non merci LELALES ! »

« Alors toi, NOM COMMUN ! »

« Pas mieux ! »

« C’est pas tout ça les enfants, mais il est temps de se mettre au boulot. »

LE BONHOMME DE NEIGE

Lorsque Mamie Grammaire, sans le faire exprès, a fait naître les Amis-Mots, elle a créé Beaucoup Trop l’adverbe. Un robot tout bête et qui se promène dans la phrase sans jamais rien comprendre. Ce matin,-là, c’était la veille de Noël je crois. C’est ça ; il neigeait et partout dans les maisons, on, entendait « petit papa Noël », « Vive le vent » et « Il est né le divin enfant »

Ce matin-là, donc, les Amis-Mots décidèrent d’aller faire une bonne partie de boules de neige. Comme d’habitude, d’un côté Lelales, Nom Commun et Adji, en bon groupe nominal –je devrais dire en bon groupe nominal congelé, car dehors, Aglagla ! Et de l’autre, Chantons Chantez le verbe, Je tu il le pronom et à de par pour sans la préposition qui aboyait sans cesse, toute heureuse de voir les mots courir partout : « Si je peux en choper un au mollet… voire plus haut – se disait-elle – ce sera une belle journée ! ».

Si quand comme la conjonction de subordination et Mais ou et donc or ni car, la conjonction de coordination avaient préféré rester à la maison pour aider Mamie aux préparatifs du réveillon. La neige, c’est pas leur truc.

Beaucoup trop, lui, en gros nigaud qu’il était, et voyant les autres ramasser des boules de neige se dit :

-          Sont pas malins, les autres ! Je vais en ramasser une grosse et une seule, comme ça je n’aurai pas à me fatiguer à en jeter plein de petites ! Une seule, ça suffira. Une seule, mais une super grosse !

Et il partit sur la colline accumuler, comme un gros chasse-neige, une grosse, mais alors une très grosse masse de neige : une boule largeur XXXXL.

Et pendant ce temps, les Amis-Mots s’en donnaient à cœur joie. « Tiens Adji, prends ça dans les dents » criait Chantons Chantez. Pof dans l’œil. « La vache » cria Adji tout blanc et complètement trempé. « A mon tour » et Paf Paf, Schplof ; Quelle Rigolade ! Ouaf Ouaf ! « Attaque à de par pour sans » «  Tiens prends celle-là » «  Ratée » « Tu ne m’auras pas » « A table »

A table ?

Oups ! C’est Mamie Grammaire qui rappelle tout son petit monde pour déjeuner. Mais oui les amis, il est midi. Déjà !

Et chacun, en riant encore de cette belle matinée enneigée et cette méga bagarre collective rentre au bercail, un peu frigorifiés, il faut bien le dire.

Après un petit coup de serviette, de rincette et de sèche –chaussettes, les voilà tous affamés autour de la table.

Hum, la soupe sent bon !

-          Soupe de pluriel pour les uns

-          Soupe aux oignons pour les autres.

Merci Si quand comme et mais ou et donc or ni car d’avoir aidé Mamie aux fourneaux pour préparer ces bonnes soupes.

-          Bon appétit, les amis !

-          Mais, où est Beaucoup Trop ?

-          Alors ça, maintenant que tu le dis, Nom Commun, c’est vrai ça ! Où est-il ce gros lourdaud d’adverbe ?

Aïe Aïe Aïe ! Catastrophe ! Mais c’est vrai, cela fait un bon moment qu’on ne l’a pas vu. La dernière fois, il grimpait sur la colline.

-          Sur la colline – fait Mamie soudain inquiète – Allez les Amis, Partons à sa recherche. Je crains le pire !

Et tous renfilent leurs moufles, leurs cache-nez, leurs grosses chaussures et leurs bonnets pour partir sur la piste de Beaucoup Trop. « Pfff râle Lelales ; la soupe va refroidir ! »

Oh, ils ne mirent pas longtemps à le retrouver. Il était juste à côté du… bonhomme de neige. Un joli bonhomme de neige tout blanc, avec une petite tête et un gros corps. Enfin quand je dis qu’il était juste à côté, ce n’est pas tout à fait vrai… En fait, il était DEDANS. C’était lui le bonhomme de neige. D’ailleurs c’est Chantons Chantez qui s’en est aperçu, quand ce bonhomme que personne n’avait jamais vu, a ouvert un œil. Mais oui. Cela surprend de voir un bonhomme de neige ouvrir un œil. C’est moins mystérieux quand on sait qu’il y a Beaucoup Trop à l’intérieur !

-          Mais qu’est-ce que tu fais là-dedans ? demande Nom Commun

-          Ben répond Beaucoup Trop j’ai fait rouler une grosse, une très grosse boule de neige sur la colline. C’était fatigant. Alors je l’ai lâchée et là, je ne comprends pas pourquoi, je me suis retrouvé, allez savoir comment prisonnier de cette boule blanche et toute gelée.

-          Une chance que tu aies ouvert un œil – plaisante Adji. C’est comme ça qu’on t’a repéré. C’est pas fréquent les bonhommes de neige qui clignent des yeux.

Une fois à la maison, Mamie le gronde un peu. « Une chance surtout que tu sois invariable, Beaucoup Trop car sinon on t’aurait retrouvé tout congelé et tout bleu. Allez, tout est bien qui finit bien dit Chantons Chantez

-          Et puis au moins, comme ça, fait Lelales. Nous aurons eu pour Noël un joli bonhomme de neige qui bouge.

-          Allez, hop, les amis, à la soupe !

LE MANOIR HANTÉ
Ici l'adverbe se nomme ENCORE PLUS

 

 

Souvent, pour distraire les AMIS-MOTS et surtout pour leur faire un peu peur, MAMIE GRAMMAIRE leur raconte des histoires de fantômes, de vampires, de morts vivants. Notamment l’histoire du « manoir hanté » (ne pas confondre avec le manoir en T celui qui se trouve juste à côté du manoir en U). Voulez-vous que je vous la raconte ?

 

Il était une fois, dans une région toute sombre et froide, où le soleil ne pénétrait jamais ou presque, un grand manoir isolé que les rares habitants de la région nommaient : « le manoir du solitaire ». Les gens du village ne s’y rendaient jamais car on prétendait que derrière ces grands murs froids et peu accueillants vivait un terrible habitant, un furieux fantôme. C’était bien possible d’ailleurs, car de temps en temps, quand le froid de l’hiver déposait sur la Nature son grand manteau de neige, on entendait dans le manoir, des hurlements effrayants : HOUOUOU. Puis suivait un sifflement angoissant FFFFFUUUU, un peu comme si, un fantôme décharné, se mettait à souffler le froid et la mort, de sa bouche édentée sur les villages environnants. Pas étonnant dès lors que personne ne s’aventure dans les parages du manoir ! Bref, tout le monde avait les jetons et n’osait s’aventurer dans ces lieux… Tout le monde, excepté bien sûr un vieil adverbe inconscient : ENCORE PLUS, ancêtre de BEAUCOUP TROP, lequel ne réfléchissait pas plus que lui. C’est bien vrai que les adverbes sont des mots sans cervelle, machine bringuebalante que rien n’arrête. 

ENCORE PLUS, ce matin-là d’hiver, n’était pas plus gêné par le froid que les autres jours. Normal, les adverbes sont invariables ! Les autres mots de la phrase étaient frigorifiés, congelés, emmitouflés, matelassés… Bref, AGLAGLA ! ENCORE PLUS, lui, robot mécanique tout en charnières, sans s’en faire, près à faire le tour de la terre, se dirigeait tout fier vers le manoir du solitaire. En fait, il se dirigeait vers une toute petite lumière qui brillait au loin. Attiré, vous savez, comme les oiseaux par un miroir aux alouettes, les truites par un appât qui bouge… ou… ou, un adverbe qui se demande : « C’est quoi ce truc qui bouge ? » Bref, ENCORE PLUS voulait savoir d’où venait cette lueur, et pour en avoir le cœur net, il fixait absolument ce joli point lumineux à l’horizon, sans se rende compte que :

-          petit un, il venait de traverser une forêt épaisse et inconnue,

-          petit deux, de franchir une clairière givrée et toute envahie de ronces

-          petit trois de passer sur un cours d’eau gelée qui ne menait nulle part !

Bref, sans le savoir, il était bel et bien perdu. Seule, comme un phare au milieu de la nuit, au cœur de l’océan, cette lueur envoûtante l’hypnotisait sans cesse. Lorsqu’il arriva non loin du manoir, il entendit un HOUOUOU, suivit d’un sifflement FFFFFUUUU pas du tout rassurant. C’est normal, je vous l’avais dit, les adverbes ne réfléchissent pas. Qu’auriez-vous fait à sa place ? Comme tout le monde ; comme tous les habitants du village qui avaient les pépettes, en entendant HOUOUOU, puis FFFFFUUUU. Demi-tour et à la maison, direct ! Et bien lui, non ! Imbécile mais curieux, ENCORE PLUS s’approcha de la grande porte de chêne recouverte de lierre qui barrait l’entrée du manoir, l’entrouvrit, la poussa juste assez pour se frayer un passage et … disparut à l’intérieur !

Pendant ce temps, MAMIE GRAMMAIRE qui préparait les missions du jour pour chaque AMI-MOT ne se doutait de rien. « Alors LELALES, NOM COMMUN et ADJI, vous apporterez aux verbes de la bonne soupe bien chaude pour que les mots circulent mieux dans la phrase. JETUIL, n’oublie pas ton cache-col. Ce serait bien dommage de revenir grippé. Les petits enfants qui sont ici ne pourraient plus correctement faire leurs devoirs. Toi, ORNICAR, mets bien tes grosses chaussures d’hiver afin de ne pas glisser entre les propositions et toi, ENCORE PLUS, ne … ENCORE PLUS ? Ben où il est ct’ animal ? » Et tous, une fois encore, se trouvèrent devant le fait accompli : un AMI-MOT avait disparu ! Bonjour l’angoisse !

Comment voulez-vous, dès lors, que la langue française s’améliore ? Comment rendre l’expression convenable si les mots se font la valise… ?

MAMIE l’avait mauvaise : « fautes de vocabulaire, manque de mots et trous dans le dictionnaire, la langue française a du souci à se faire si elle perd un de ses pensionnaires ! » Allez, Zou, les AMIS-MOTS, à l’attaque, retrouvez-moi ce zigoto d’ENCORE PLUS avant qu’il ne tombe dans un trou, ou se retrouve désempaillé chez un chiffonnier peu scrupuleux et qu’on entende plus jamais parler de lui ! Au prix où sont les métaux actuellement, il vaut son pesant de ferraille ! Il est bête mais il peut encore servir !

Et aussitôt, tous se mettent à sa recherche. ENCORE PLUS, t’es où ? Robot de malheur, réponds ou t’es un robot mort ; reviens crétin, on t’aime bien. Bref, chacun y allait de son petit refrain. C’est àdeparpoursans, avec son flair légendaire, qui retrouva sa trace (d’huile, certainement !) WAFFF fit –elle en montrant du museau, les marques de pas qu’ENCORE PLUS avait laissées en direction du… du manoir hanté !

-          Du quoi ?

-          Du manoir, j’ai bien dit.

-          Hoho, sans moi !

-          Attends, NOM COMMUN, dit ADJI, ne me dis pas que tu as peur !

-          Peur, haha, non… Mais je me méfie.

-          Oh l’autre, hé, NOM COMMUN a les chocottes du manoir. Il a peur des esprits, des fantômes, des trucs qui font HOU…

Et au fur et à mesure que LELALES se moquait de NOM COMMUN, il se rendait compte lui-même que tout compte fait, il avait lui aussi un peu les jetons d’y aller, dans ce maudit manoir… heu, si ça se trouve, ENCORE PLUS va revenir tout seul.

-          Cessez vos balivernes tous les deux, fit CHANTONS CHANTEZ, en bon chef de groupe ! Vous êtes courageux tous les deux, ou quoi, non ?

-          Oui. Enfin, surtout lui.

Et c’est pas vraiment, mais alors non, pas vraiment rassurés que LELALES et NOM COMMUN se dirigèrent derrière leurs amis (pas devant…) vers le manoir du solitaire, dont il était évident maintenant que c’était là que se trouvait ENCORE PLUS. Àdeparpoursans à présent, sans plus aucune hésitation, se dirigeait en effet ventre à terre, vers cette petite lueur et qui brillait toujours de façon inquiétante. 

Ils franchirent à leur tour :

-          petit un, une forêt épaisse et inconnue,

-          petit deux, une clairière givrée et toute envahie de ronces

-          petit trois, un cours d’eau gelée qui ne menait nulle part !

et arrivèrent enfin devant la porte de ce sanctuaire effrayant… qu’ils trouvèrent bien sûr entrouverte. Et là, ils se figèrent. Ils entendaient en effet tous bien distinctement et provenant de l’intérieur, un long HOUOUOU, suivi d’un FFFFFUUUU strident.

A coup sûr, un fantôme vivait là et les attendait pour les transformer en bonze cuit ou en zombies immortels. Ils se regardèrent, mirent leurs yeux sur la position « Vite on se casse » mais CHANTONS CHANTEZ, toujours en bon chef de groupe, mais aussi parce que MAMIE GRAMMAIRE le lui avait ordonné, se dirigea vers la porte, suivi aussitôt par les autres qui ne pouvaient pas décemment, laisser leur chef se débrouiller seul. ENCORE PLUS avait disparu. Pas la peine d’en rajouter avec leur verbe préféré.

C’est donc tous ensemble, derrière lui, qu’ils pénétrèrent dans ce manoir afin de voir si ce satané adverbe n’était pas à l’intérieur. Ils s’attendaient à tout instant, à voir un robot tout cassé, gisant au milieu d’un tas de pierres ; un adverbe insensé baignant dans son huile de vidange, entouré par des vampires volants ou un fantôme cannibale vêtu d’un drap blanc !

-          Chut ! Ecoutez, du bruit !

Accompagnant le HOUOUOU, suivi d’un FFFFFUUUU que tout le monde connaît à présent, des bruits sourds et des clameurs étouffées emplissaient le monastère.

-          Allez, Allez-y les gars, fit Chantons Chantez, qui, a son tour, se dégonflait un peu…

-          Courage les amis –cria ADJI, prêt, tête en avant, à mettre une fois encore un coup de boule à un ennemi éventuel, fut-il zombie, vampire ou fantôme en chemise de nuit !

Et là, les enfants, quelle surprise !

Au milieu d’un grand jardin de ronces givrées, de lierre et de plantes épineuses en broussailles, ENCORE PLUS, comme un gamin, gambadait entouré de lapins, oui, des lapins, que bien sûr, il ne parvenait pas à attraper ! Ces grandes oreilles sautaient à gauche, à droite, pour échapper à leur poursuivant, qui, il faut bien le dire, s’amusait bêtement à les chasser. On se demande bien ce qu’il aurait pu leur faire, vu que les adverbes ne mangent ni lapin, ni viande d’ailleurs, pas plus que de poissons ou légumes… Pour une simple et bonne raison : les adverbes ne mangent rien, puisqu’ils sont invariables !

Nos amis s’arrêtèrent ébahis devant tant de beautés naturelles, mais aussi tant de bêtises. Àdeparpoursans viens ici !

-          C’est navrant résuma Chantons Chantez en arrêtant à son tour la préposition qui se préparait à courser les lapins, histoire de rigoler. Ce ne fut pas la peine d’ailleurs, car ces pauvres bêtes, voyant sans doute qu’il y avait danger et  en prime, agacés qu’on vienne les déranger chez eux, s’étaient tous éparpillés dans le manoir, sans demander leur reste ; si bien que bientôt, ne restèrent plus que ENCORE PLUS et Àdeparpoursans au milieu de ce jardin redevenu soudain silencieux.

Enfin, silencieux, pas vraiment : HOUOUOU, FFFFFUUUU

Et vous, avez-vous deviné d’où venait ce bruit ?

-          Oh regardez, fit ADJI pointant son doigt vers un grenier sans doute. C’est la lueur que nous avons suivie ! Le soleil se reflète sur une vitre entrouverte.

-           C’est marrant fit ENCORE PLUS.

Crétin lui répondirent les autres.

Comme d’habitude, ce nigaud ne comprenait pas

-          Oh regardez, on voit le ciel à travers le toit. Les tuiles sont toutes cassées. Peu à peu, l’angoisse laissait place à la curiosité.

Soudain, un coup de vent s’engouffra dans le jardin et le fameux HOUOUOU, suivi d’un FFFFFUUUU retentit autour d’eux, les glaçant d’angoisse. Chair de poule !

Euréka ! fit CHANTONS CHANTEZ ! Je sais d’où viennent ces bruits.

-          Un fantôme ?

-          Non

-          Un vampire ?

-          Et vous, vous n’avez toujours pas deviné ce qui fait HOUOUOU ?

-           Le vent ! le vent bien sûr, qui s’engouffrait par la fenêtre entrouverte du grenier et qui ressortait aussitôt par le trou dans la toiture.

Et nos amis, devenus plus téméraires lorsqu’ils comprirent qu’aucun esprit surnaturel n’habitait ces lieux, grimpèrent un à un vers ce lieu par un vieil escalier de pierre.

Quelle rigolade mes amis. Le secret du manoir du solitaire était percé à jour.

C’était le vent qui faisait tout ce bruit.

Cela me rappelle une histoire que l’on racontait au moyen-âge dans nos villages. Celle de « la tuile aux loups » L’hiver, lorsque le vent du Nord, très froid soufflait dans les campagnes, les habitants savaient que la nourriture se faisait rare et que les loups affamés, ne tarderaient pas à s’approcher des habitations, quitte à dévorer les enfants égarés ou même les voyageurs téméraires ; c’est pourquoi, sur le toit de l’église, on disposait une tuile qui se mettait à siffler FFFFFUUUU quand le vent du Nord se mettait à souffler HOUOUOU ; les habitants  savaient alors qu’il fallait faire attention, ne pas s’aventurer dans la forêt proche, ni même laisser dehors les animaux domestiques. Faute de quoi, les loups errants se faisaient un plaisir de les déguster ; telle est la nature.

Et c’est comme ça mes amis, que CHANTONS CHANTEZ et ses amis élucidèrent le secret du manoir du solitaire.

Et c’est comme ça également qu’ENCORE PLUS, adverbe un peu bêta ne fut pas trop grondé par MAMIE GRAMMAIRE pour sa témérité.

Tout est bien qui finit bien.

LA FÊTE FORAINE

 

Avez-vous déjà été à la fête foraine ? C’est sympathique, n’est-ce pas ? Les manèges, le tir au pigeon, le grand 8, la barbe à papa ! Tiens, justement, la barbe à papa ! Voulez-vous que je vous raconte l’histoire incroyable qui est arrivée à MAMIE GRAMMAIRE  et ses AMIS-MOTS ?

MAMIE GRAMMAIRE  et ses AMIS-MOTS à la fête foraine.

Ce jour-là, il faisait beau, et MAMIE GRAMMAIRE avait décidé pour les distraire, d’emmener tous ses amis à la fête. Ah, ils s’en donnaient à cœur joie ! LE LA LES, ADJI et NOM COMMUN, les trois copains inséparables se promenaient partout pour tester les manèges,, JE TU IL et CHANTONS CHANTEZ s’amusaient comme des fous aux autos tamponneuses, BEAUCOUP TROP, sous les yeux de àdeparpoursans essayait le chamboule tout : Beng : deux boîtes de conserves renversées. Paf : une autre. Pong ! Oh pardon monsieur le forain. Quel maladroit ce BEAUCOUP TROP.

Après quelques heures d’amusement, LELALES se tourna vers MAMIE qui les surveillait de près ; l’habitude.

-Dis-donc MAMIE, tu nous paies une glace ?

- Oh oui, ou une pomme d’api.

Moi je préfère les gaufres.

Et puis quoi plus gronde MAMIE ! Elle sait bien que si chacun choisit son goûter, ils vont sans tarder se battre, se crêper le chignon, se mettre des gnons, bref se battre comme des chiffonniers : « Moi je veux ça » « pas moi » « prends celle-là » PIF PAF. C’est toujours comme cela que se terminent les sorties.

-       Ce sera une barbe à papa pour tout le monde ou rien ! D’autant plus, les enfants, que pour chaque barbe achetée, le marchand offre un ballon !

-       Un ballon de foot ?

-       Mais non, Adji. Un ballon de baudruche. Regardez ! Il y en  de toutes les couleurs attachées à la baraque du forain.

-       Moi j’en veux un bleu.

-       Moi un rouge. Non un vert. Misère !

Et voilà MAMIE qui offre à chaque AMI-MOT une barbe à papa. Une barbe à papa : un ballon ;  une barbe à papa : un ballon ;  une barbe à papa : un ballon ;  une…

-       MAMIE. Je ne sais pas où mettre mon ballon !

-       Passe-le moi, NOM COMMUN !

-       Tiens LELALES.

-       Moi non plus !

-       Passe –le moi, ADJI

-       Et moi !

-       Donne CHANTONS CHANTEZ

-       Tiens LELALES, puisque tu es sage, voici mon ballon aussi.

-       Merci ORNICAR ;

-       Et bien mes amis, bon appétit, miam miam, slurp slurp. Et tous dévorent ces longs filaments roses sucrés qui fondent dans la bouche !

-       Hum, c’est bon !

-       Mais ça colle !

-       Oh, regardez, le train de la mort !

-       On monte MAMIE, oh oui, oh oui !

-       Vous n’avez pas peur ?

-       Moi jamais !

-       Ben non, MAMIE, pour qui tu nous prends ?

-       D’accord alors, mais restez tous, bien ensemble !

-       Grrr !

-       Oui, je sais, àdeparpoursans, on peut compter sur toi pour garder groupés les AMIS-MOTS

-       Ouaf !

-       Allez, en voiture dans le train de la mort : LELALES, ADJI et NOM COMMUN voiture numéro 1 ; JE TU IL et CHANTONS CHANTEZ voiture numéro 2. prenez aussi ORNICAR la conjonction de…

-       MAMIE !

-       Quoi ?

-       LELALES a disparu !

-       Disparu ? Comment ça disparu ?

-       Ben quand une personne qui devait être là n’est plus là et qu’elle devrait être là, on appelle ça comme ça, MAMIE !

-       Merci BEAUCOUP TROP. Mais c’est une catastrophe !

-       Il fait sûrement une blague ! C’est son style !

-       Ou il aura été enlevé !

-       Enlevé !

-       Ben quand une personne qui devait être là et qu’elle n’est plus là…

-       BEAUCOUP TROP !

-       Oui ?

-       Tu me soûles !

-       Ah !

Et tous se mettent à la recherche de LELALES.

-       Il est peut-être parti par là !

-       Ou par ici !

-       Peut-être qu’il… qu’il est déjà entré dans le train de la mort ?

-       LE TRAIN DE LA MORT !

Et là, silence. Aussi bizarre que cela puisse paraître, ce mot prononcé par JE TU IL refroidit tout le monde ; enfin, façon de parler.

-       Le train de la mort ?

-       Là où on voit des monstres, des zombies et … et des fantômes ?

-       MAMIE, j’ai peur !

-       Bon, bon, arrêtez vos bêtises et toi, JE TU IL, arrête de foutre les jetons à tout le monde !

-       Je disais ça comme ça !

-       Ben ne le dis plus !

-       LELALES !

-       Où ça ?

-       Mais non, je l’appelle et vous feriez bien de faire tous comme moi.

Pas de réponse. LELALES, LELALES !

Soudain, au loin, venue de nulle part, au-dessus du train de la mort, résonne une petite voix : « Au secours ! »

-       Le train de la mort qui parle ! Et il a besoin d’aide !

-       Imbécile BEAUCOUP TROP

De nouveau on entend « Au secours ! »

-       On dirait… On dirait la voix de … LELALES !

-       Il est devenu fantôme, invisible, un zombie ; jack l’éventreur.

-       Arrête JE TU IL ou je mets ta tête dans ta poche. Qu’il est bête ce pronom !

-       Tu as raison ADJI. Arrête de dire des bêtises JE TU IL ! Essayez plutôt d’écouter d’où vient la voix de LELALES.

-       Je suis là MAMIE, tout en haut du train de la mort.

-       Ah ça, mais qu’est-ce que tu fais là-haut ?

-       Je ne sais pas ! C’est peut-être la barbe à papa que j’ai du mal à digérer !

-       Ah non, LELALES, je crois plutôt que ce sont les ballons de baudruche que tu tiens dans la main. Et oui, souvenez-vous : Une barbe à papa : un ballon ;  une barbe à papa : un ballon ;  une barbe à papa : un ballon. Et comme LELALES les a tous pris, il s’est envolé lentement. Il est trop léger ! « C’est pas à moi que ça arriverait pense MAMIE qui surveille sans cesse sa ligne pour ne pas grossir ! »

-       Lâche les ballons ! Fait BEAUCOUP TROP.

-       Glups ! Surtout pas, rétorque MAMIE illico, qui imagine bien ce qui va se passer si LELALES les lâche tous d’un coup : Zip PAF ! Descendez, on vous demande ! Décidément, il est vraiment bête cet adverbe !

-       Tiens bon LELALES, je m’en occupe, et toi, BEAUCOUP TROP, mêle-toi de tes affaires !

Et aussitôt MAMIE court au stand de tir chercher une carabine à plombs. Eh eh, quand j’étais jeune fille, je me défendais pas mal au tir au pigeon !

Pendant ce temps, LELALES survole la fête. C’est beau de voir tous ses amis gros comme ça et qui courent partout en faisant de grands gestes ! Et là, c’est quoi ce petit chapeau chinois qui tourne ? Oh, le manège ! Et là, ces fourmis qui avancent de façon bizarre ? Oh, les poneys de location. Et cette petit grand-mère qui tient une épingle dans la main… Horreur, c’est MAMIE GRAMMAIRE qui me tire dessus. Mais elle est ouf !

Et PLING PAF. Un ballon en moins. ZOUF, LELALES qui descend d’un bon mètre.

PLANG PIF et un deuxième carton : Descendez on vous demande.

Après cinq ou six coups de fusil dignes de Buffalo Bill – Fortiche MAMIE – LELALES n’est plus qu’à deux mètres du sol.

-       Lâche tout –crient les autres ! On te rattrape !

-       La barbe à papa aussi ?

-       Mais oui !

-       Et voilà LELALES qui lâche les deux derniers ballons, la barbe à papa et hop : le voilà au sol.

-       Tu parles d’un train de la mort, c’est plutôt du saut à l’élastique votre histoire.

-       Et tous se mettent à rire de voir LELALES sain et sauf !

-       Très drôle fait MAMIE en colère.

Qu’est-ce qu’elle a ? Oh regardez, MAMIE toute en rose avec une grosse barbe. Bien sûr, c’est celle que LELALES a lâchée. MAMIE  l’a reçue sur la tête.

-       Ah ah ah – se moquent les AMIS-MOTS et tous se précipitent sur elle pour la délivrer en mangeant les délicieux filaments roses.

-       Qui veut de la barbe à MAMIE –fait NOM COMMUN ?

-       Miam ! Quelle journée !

Le TROUBADOUR des MERS (partie 1)

Cette année-là ce devait être en 1523 ou aux alentours, je ne me souviens plus très bien, un bateau s’approchait du port de Saint-Malo. Vous savez, un de ces gigantesques bâtiments portant grands mâts et nombre incalculable de voiles. Un vaisseau de guerre tout en bois verni armé jusques aux dents de canons noirs et ronds.

-          Ce devait être impressionnant tous ces canons.

-          Et il venait d’où ce grand navire ?

Depuis que Christophe Colomb avait découvert l’Amérique, en 1492, le commerce avec ce nouveau continent prospérait. Pas un jour sans qu’une cargaison n’arrive, chargée de rhum, de trésors inestimables, de statuettes d’or fin –soit dit en passant, allègrement dérobés aux autochtones.

-          A qui ?

-          Aux autochtones ! Aux habitants de ce continent, quoi. Les Aztèques, Mayas et autres Incas.

-          Incas ?

-          Ah, Toi aussi tu en es un cas, Lelales ! Cesse de poser des questions ! Vas-y Mamie, continue ton histoire.

-          Merci Nom Commun. Donc ce navire approchait des côtes françaises, désireux d’accoster au port de Saint Malo, lorsque, à quelques encablures à peine du rivage, il stoppa net, jeta l’ancre et s’immobilisa de longues heures.

-           Qu’est-ce qui lui prend ?

-          Il n’a plus de carburant ?

-          Andouille, Lelales ! A cette époque les navires ne fonctionnaient pas avec du pétrole, Hein !

-          Exact, Adji ! Seul le vent permettait à ces gigantesques embarcations de se mouvoir en mer. Les rames, parfois également, pour manœuvrer, mais c’était compliqué.

-          Et lorsqu’il n’y avait pas de vent ? Bon, bon, je me tais.

-          Tous, sur les quais observaient le vaisseau… Attendez ! Le nom me revient « le Troubadour des mers ». C’est cela. Voilà son nom. Je m’en souviens, car quand j’étais jeune fille, ma grand-mère me chantait une petite comptine inventée par notre ancêtre, le capitaine de ce fabuleux navire. Comment était-ce déjà « Na na, na na … »

Souquez marins et soyez fiers
De naviguer
Sur le Troubadour des mers
Pour faire ainsi
Le tour de la Terre
Sans galère !

-          Elle est jolie ta comptine, Mamie !

-          Tu chantes bien.

-          Ouaih ! En tout cas, moi elle ne m’a toujours pas fait peur ton histoire.

-          Merci les enfants. Attends, Lelales, j’y arrive ! Donc ancré au large, chacun se demandait ce qui se passait. C’est alors que tout à la pointe du mât le plus haut, apparut un drapeau qui fit frémir l’assistance entière.

-          Un drapeau ?

-          Exact ! De couleur noire, frappé, en son milieu d’une terrifiante tête de mort !

-          Une tête de mort !

-          Mais enfin Lelales, arrête de répéter tout ce que dit Mamie. C’est toi, à la fin, la tête de mort !

Gnia gnia gnia

Une grosse tête de squelette avec les yeux creux et le crâne entouré de deux vieux os en croix, blanchis, symbole de mort. C’est d’ailleurs pour cela qu’on la nomme tête de mort. Mille sabords ! Que se passait-il à bord ? Des pirates avaient-ils envahi le navire et pris en otage tout l’équipage de mon ancêtre ? Etait-il lui-même vivant ou avait-il été blessé, torturé, tué ? Cela ne présageait rien de bon ! Un vent de panique souffla parmi la foule amassée sur les quais. Et si, soudain, ces terrifiants canons se mettaient à cracher le feu et lancer leurs boulets ! Au secours ! Fuyons ! Non pas par là, par ici plouf Trop Tard ! Bref, la foule en délire ne demanda pas son reste et s’enfuit à toutes jambes !

-          Et alors, les canons ?

-          Ah tu vois Nom Commun que toi aussi tu poses des questions ! Alors, Mamie, ces canons ?

-          Rien ! Pas une salve. Pas un seul petit Boum ! Le silence. Le silence de mort ! Et c’était encore plus inquiétant. Mais enfin, que se passait-il à bord ? Après de longues, très longues heures d’attente, le maire de l’époque prit une décision désespérée. Accompagné de six braves marins, il équipa une petite barque, se munit de quelques fusils à grenailles et se dirigea lentement vers le « Troubadour des mers ». Les rares courageux restés sur l’embarcadère virent peu à peu cette embarcation improbable diminuer de taille, pour n’être bientôt plus qu’un point sur l’horizon. Le ciel soudain s’obscurcit, la pluie commença à tomber. Signe du destin sans doute, la tempête se levait ! Au fur et à mesure que le frêle esquif s’approchait de ce navire fantôme, la crainte envahit ces hommes chevronnés, habitués depuis leur plus jeune âge aux situations les plus critiques et aux gros temps les plus féroces ! Mais là, les choses étaient différentes ! Les éléments se déchaînaient. L’orage grondait fort et autour d’eux la mer semblait une furie boursouflée de gouttes d’eau laiteuses et bruyantes. Ballottés par le vent, agressés par la pluie, les marins aperçurent au travers de leurs cirés salvateurs la carcasse du géant de bois, aux canons toutes gueules dehors. Bien planté sur son mât, le crâne aux orbites creuses et aux dents décharnées semblait avidement les observer et les attendre. « Ohé du bateau ! » hurla le maire cramponné tant bien que mal à la proue de sa coquille de noix. Un silence émaillé de crépitements aqueux et de rafales de vent lui répondit. « Ma parole, il n’y a âme qui vive sur ce rafiot » bougonna-t-il comme pour se convaincre. « Monsieur le maire, là, à Tribord ! » fit l’un des matelots, pointant du doigt une épaisse corde de chanvre qui, agitée par le vent, ballottait furieusement le long de la coque. Sans mot dire, soudés par l’expérience et le désir de comprendre, les six marins appuyèrent d’un seul homme sur leur rame pour se rapprocher du cordage libre. La furie des eaux, la folie des hommes ! Le même matelot perspicace, tout autant que téméraire, malgré la houle et le tangage dangereux des deux navires parvint à saisir ce bout de corde. C’est alors qu’une vague plus forte ou plus traître que les autres écarta la barque du vaisseau. Le marin agrippé au cordage et fouetté par la pluie bascula dans la mer. Il tint bon cependant et, sous les cris de désespoir et de peur de ses compagnons d’infortune, il roula sans ménagement, mais sauf, au bout de cette ficelle, tel un pantin désarticulé. Accroché sur le flanc du vaisseau fantôme, il ressemblait, mes pauvres enfants, à un pendu au haut d’un gibet. La mort, outre sur le drapeau, flottait alentours.

-          Wahoo ! Elle claque ton histoire ! J’ai la chair de poule.

-          Et alors, il est mort ce marin ?

-          Tu sais Lelales, vu que cela s’est passé il y a plus de 500 ans, cela ne fait aucun doute à présent ! Ah ah ah !

-          Très drôle Nom Commun ! Non, je voulais dire au bout de sa corde ! Il est tombé dans l’eau ? Il s’est noyé ?

-          Attends, Lelales, je poursuis mon histoire. En tout cas je vois que celle-ci t’intéresse.

-          Tu m’étonnes !

-          Surtout que lui-même ne sait pas nager.

-          Toi non plus !

-          Même pas vrai !

-          Allons les enfants, cessez de vous chamailler, sinon j’arrête mon histoire. Voilà qui est mieux. « Bon d’là ! J’va pas en rester là se dit ce courageux malouin »- Malouin, Lelales, signifie habitant de Saint-Malo. Je te le dis avant que tu ne m’interroges.

-          Mais je n’ai rien dit !

-          « J’va quand même essayer de grimper en haut de cte fichu cordage ! » Et voilà notre héros parti vers les sommets. La houle, le vent et la pluie faisaient cortège à son exploit. Il ne pouvait entendre, brave homme, depuis la barque chahutée, les cris de détresse de ses compagnons d’infortune. Les éléments déchaînés escamotaient leur ardeur. Parvenu au bastingage, au prix d’efforts surhumains, le matelot réussit finalement à se hisser à bord. Il lui fallut de longues minutes de répit, durant lesquelles assis le long du ponton, il reprit sa respiration, retrouva ses forces et ses esprits. Lorsqu’il se sentit enfin capable de se remettre sur ses pieds, il se redressa, titubant, et fit des grands gestes rassurants vers la forme oblongue et noyée de bourrasques qu’il devina être la barque au milieu des flots. « Tout va bien, les gars ! j’va voir c’qui s’passe ! » Il crut entendre dans le grondement des vagues, un long cri en guise de réponse. Ses compagnons, au cœur des éléments, le savaient tiré d’affaires, sauvé. Sauvé ? Mais pour combien de temps ? Qu’allait-il découvrir sur ce fichu bateau, peuplé d’ordinaire de dizaines de marins et où pour l‘instant, pas âme qui vive ! Saisissant d’une main son pistolet Knapehanse  monocoup et de l’autre la corde qui lui avait permis de se hisser, il commença sa quête, le cœur haletant. Ses yeux fouettés par la pluie entraperçurent l’extrémité du cordage qu’il tenait à la main. Se lovant entre les fûts et les ballots divers qui encombraient le pont arrière, elle ondulait là, sans soucis tel un serpent de mer. « Y’a quelqu’un non d’là ! » hurla le marin s’agrippant corps et âme à cette chaîne de vie. Aucune réponse. Un bruit ? Impossible ; la tempête avalait tout ! Il progressa lentement en suivant cette corde. Quelle impression pour ce vaillant soldat de grimper en marchant, de se hisser sans effort au bout de sa quête ! C’est en entrant dans la cabine -qu’il devina être celle du capitaine-, qu’il l’aperçut. Et voilà.

-          Quoi et voilà ?

-          Je fais une pause. J’arrête mon histoire pour le moment, c’est l’heure de faire vos devoirs, les enfants.

-          Négatif, Mamie, ah non non non !

-          Une pause ! Tu veux nous faire mourir ou quoi !

-          Tu ne vas pas arrêter au meilleur moment de l’histoire !

-          Que qui, quoi ! Qu’est-ce qu’il a aperçu ?

-          A tous les coups c’était ton ancêtre -hein MAMIE-  raide comme un bâton de berger.

-          Allez, s'teplaît, poursuis ton histoire. Dis-nous vite ce qu’il a vu ton Batman des mers !

-          Et ensuite vous irez faire vos devoirs ?

-          Promis

-          Juré !

-          Comme il faut ?

-          Juré !

-          Promis !

-          Eh bien c’est en entrant dans la cabine du capitaine que notre marin l’aperçut. Oh tout d’abord il ne vit rien. Il faisait trop sombre dans ce gourbi crasseux et puant, minuscule réduit de vie dans lequel à l’époque, on trouvait plus facilement des détritus et des cafards que du parfum ! Rester des mois isolé sur un tel bâtiment n’incite pas au savoir-vivre ! Les matelots avaient plus le goût au rhum qu’à la lavande et la lingette ! Mais enfin, une fois que ses yeux et son nez furent habitués au noir et à l’odeur, que ses oreilles eurent un temps oublié le hurlement des vagues, il crut apercevoir sur le hamac tendu, un corps affaibli. Il crut même discerner en fond de cabine, un souffle de gémissement.

-          Vous voyez les gars que j’avais raison. C’est le capitaine !

-          Chut !

-          « Qui est là ? » essaya le marin. Le gémissement sembla s’intensifier et le corps se mouvoir. Prestement mais toujours sur le qui-vive, notre camarade se dirigea vers la couche et ce qu’il vit le pétrifia. Un homme, non, un cadavre, non, un monstre, un corps inerte presque sans vie, au regard vitreux et à l’haleine fétide râlait en souffrance sans pouvoir parler. Les dents noires et éparses, plantées dans une gencive jaunie par la maladie accentuaient chez ce pauvre homme l’image de la terreur. La mort, sans tarder, claquerait ici aussi son pavillon maudit ! « Le scorbut » se dit le marin, qu’une longue habitude des mers avait aguerri.

-          Le quoi ?

-          Le scorbut Lelales !

-          Comme au foot ?

-          Quoi comme au foot ?

-          Et bien oui, il y a des scores et il y a des buts. Il avait trop joué ton capitaine ?

-          Ah misère, Lelales, parfois je me demande si tu as toute ta tête. Non, le scorbut est une maladie extrêmement grave qui à cette époque décimait les marins.

-          Elle était due à quoi ?

-          Carence en vitamine, Nom Commun. Vitamine C exactement.

-          Tu veux dire que les marins mouraient parce qu’ils manquaient…

-          De vitamine C. Exactement ; la même que l’on retrouve dans les oranges, les citrons et les agrumes en général. On ne le savait pas à l’époque, sinon cela aurait évité bien des malheurs.

-          Surtout sur le navire de ton ancêtre, Mamie. Vas-y, poursuis ton histoire.

-          Qu’a-t-il fait le marin, pour sauver le capitaine ?

-          Rien Adji, spécifiquement rien. Il était trop tard.

-          Tu ... Tu veux dire qu’il n’a pas pu le sauver ?

-          Pire encore !

-          Comment cela ?

-          Arrête, Mamie; tu nous mènes en bateau. Enfin, si je puis dire.

-          Mais non les amis. C’est bien comme cela que mon aïeul de la cinquième génération est décédé : sur son navire « le Troubadour des mers » en 1523. Mais vous ne savez pas tout. Notre vaillant marin, une fois la tempête un peu calmée, se rendit tour à tour dans les cabines voisines, dans les soutes à matelots, et ce qu’il vit le terrorisa. Partout des cadavres décharnés d’hommes aux dents pourries, aux yeux hagards de souffrance et de peur. La maladie ayant envahi tout le navire, plus personne n’avait eu la force d’envoyer par le fond les cadavres successifs. Un à un, les marins contaminés, s’étaient laissé mourir sans faire jouer la seule chance qui leur restait : leur instinct de survie. L’un d’eux pourtant, nul ne saura jamais lequel, eut cependant la présence d’esprit de hisser ce fabuleux cri de détresse paradoxal : la tête de mort, symbole de piraterie et de danger, devenue pour l’heure l’image de la vie.

-          Ben dis donc, elle n’est pas gaie ton histoire.

-          Mais ce n’est pas fini les amis.

-          Comment !

-          Notre marin, une fois ses macabres découvertes effectuées, se rua sur le pont afin de réintégrer, la barque qui l’avait conduit sur ce maudit navire. Il comptait dans un moment de calme passager redescendre par sa corde vers cette embarcation saine et souple. « C’est le scorbut ! » eut-il le malheur de crier. Si bien qu’à leur tour, les cinq matelots et le maire de l’époque, craignant eux aussi d’attraper cette maladie incurable, se mirent à ramer en l’autre sens pour fuir et la mort… et leur compagnon.

-          Comment ! Ils l’on abandonné sur le navire.

-          Exact !

-          Ah les vaches !

-          Mais ce n’est pas fini, les amis !

-          Quoi encore !

-          Une fois revenus au port où la foule les attendait, impatiente de connaître la cause de cet ancrage au large assez surprenant, ils racontèrent que l’un d’eux avait péri en mer, passé par-dessus bord sans qu’ils puissent rien y faire, que le capitane du navire les avait interpellés juste avant de mourir pour le prévenir que tous, à bord étaient atteints du scorbut et qu’il les priait, au nom de Dieu de détruire son navire pour éviter de contaminer tout Saint-Malo. Ce qui fut fait. La marine nationale fit gronder les huit canons du port et envoya par le fond le « Troubadour des mers », accastillage en tête, avec son équipage défunt, certes, mais aussi ce pauvre matelot courageux qui n’en demandait pas tant.

-          Ils ont coulé le bateau !

-          Avec le marin !

-          On peut dire cela en effet !

-          Mais c’est scandaleux.

-          Si j’étais grossier, je dirais dégoûtant, oui !

-          Allons, allons les enfants. C’était sans doute ce qu’ils avaient de mieux à faire pour préserver la vie du plus grand nombre. L’épidémie aurait pu décimer Saint-Malo. Enfin, si elle avait été contagieuse. Ce qui n’est pas le cas. Mais cela, ils l’ignoraient. Ce courageux marin savait bien, de toute manière qu’il risquait sa vie en participant à l’expédition.

-          Tout de même. Cela fait un choc.

-          Surtout pour lui. Vous vous imaginez les pensées qui lui ont traversé l’esprit lorsque le navire a été bombardé et qu’il a coulé, comme… comme un capitaine fidèle au poste !

Souquez marins et soyez fiers
De naviguer
Sur le Troubadour des mers
Pour faire ainsi
Le tour de la Terre
Sans galère !

-          Tout compte fait, Mamie je ne sais pas si je l’aime tant que ça la devise du Capitaine.

-           Tout compte fait, je ne sais pas si je l’aime tant que ça, ton histoire !

-          Allez les enfants, aux devoirs à présent !

 Le TROUBADOUR des MERS (partie 2)
(Remarque : dans l'univers MAMIE GRAMMAIRE, le pluriel (S ou X) est une boisson alcoolisée ou parfois une friandise).

Je vous racontais dernièrement la douloureuse histoire de mon ancêtre survenue sur le vaisseau le « Troubadour des mers ». Vous vous souvenez ?

-          Tu parles, Mamie, depuis je fais des cauchemars sans arrêt et j’ai l’impression de couler toutes les nuits comme un capitaine à la barre de son navire.

-          Moi je me gave d’oranges de raisins et de citrons et je me lave les dents trois fois par jour.

-          C’est une bonne chose Adji. Eh bien savez-vous que mon aïeul, avant de mourir ainsi du scorbut, comme je vous l’ai enseigné…

-          Beurk !

-          Hé bien ce fameux capitaine avait résolu quelques temps auparavant, une énigme fan-tas-tique !

-          Une énigme policière ?

-          Oui Nom Commun. Policière et grammaticale !

-          Raconte-nous Mamie. Mais cette fois, tu ne nous fous pas les jetons avec une histoire de tête de mort et de tempête. Là, tu vois, j’ai plus envie de rire que de pleurer.

-          Tu ne veux pas rire jaune, Lelales ? Pourtant, tu as déjà les dents qui deviennent…

-          Allons, Nom Commun, cesse d’ennuyer Lelales. Mais, attends, maintenant que tu le dis, c’est vrai que tu as les dents noires, Lelales. Non, je rigole. Et bien mes amis, à cette époque, comme vous le savez, la langue française ne fonctionnait pas vraiment comme aujourd’hui. Certes les bases latines s’imposaient déjà, bien évidemment, mais bon nombre d’expressions n’avaient pas la forme qu’elles ont de nos jours. Ainsi par exemple, le nom commun « monsieur » n’existait pas. On donnait partout du « Monseigneur » qui, par contraction, pour simplifier, est devenu « monsieur ». La noblesse, et elle seule, avait le droit au savoir, et l’écriture était leur privilège. A cette époque également, les noms communs hésitaient encore entre prendre un petit coup de S au pluriel ou un petit X. Ainsi le mot cheval faisait alternativement chevalS au pluriel, pour devenir enfin chevauX avec une petite lampée de X.

 Au cas où vous ne le sauriez pas, les Noms Communs, qui forment une très grande famille ont pour habitude, lorsqu’ils ne sont plus au singulier, de prendre un « petit coup de pluriel », histoire de se donner des forces. Les Dieux grecs avaient l’ambroisie, les bretons le chouchen, Astérix la potion magique … et les noms communs le pluriel. Un petit coup de S ou un petite lampée de X, selon leur préférence.

 Bien sûr, et nous n’en parlerons plus ici, il existe des noms chastes et purs qui repoussent systématiquement ce petit verre de pluriel. Des moines ces noms-là ! A tel point que pour les différencier des autres, ils se terminent tous par un Z. Ils sont heureusement fort peu nombreux, ces rabat-joie qui ignorent les coutumes populaires. « Non, merci, nous refusons de boire. Nous faisons attention à notre santé » et souvent ils rajoutent : « Et vous feriez bien de faire comme nous, vous les noms communs en danger ! » Bon, c’est un peu vrai, ils n’ont pas tort ! Un petit coup de pluriel ça va ; deux, bonjour les tracas. A consommer avec modération, tout comme l’alcool ou la bonne chère. Sinon c’est le foie qui demande grâce. Mais enfin, imaginez-vous une fête ou un anniversaire, sans un petit coup tra la la la ? Le S ou le X, beurk, j’ai horreur de ça… Mais une petite coupe de champagne, un petit verre de rosé de Provence ou une goutte de cassis lampé, Slurp ! Je ne suis pas contre.

Enfin, revenons à nos moutons, ou plutôt à nos noms en Z. Ces bonnets de nuit, ces moines indéridables préfèrent rester invariables, plutôt que de tenter un petit coup de pluriel.

            C’est pourquoi ne t’avise jamais de les écrire avec un S et encore moins un X. En voici quelques uns. Au passage, tu noteras qu’ils sont tout petits. Quoi, que dis-tu Adji ? C’est normal parce qu’ils… ils s’ennuient ? En tout cas, ils ont mauvaise mine.

Les voici :

Un nez / des nez ;

Le riz : des riz ;

Un raz de marée : des raz de marée (Celui-ci est loin de nous faire marrer hi, hi !), 

Un gaz / des gaz (Et comme dirait Lelales, celui-ci est loin de nous faire péter de rire ha ha !)

Et quelques autres, mais bon, tu as compris que les noms communs terminés au singulier par un Z sont invariables.

           Avant de poursuivre cette histoire de pirates, survenue à mon ancêtre sur le « Troubadour des mers », je tiens quand même, à évoquer ici le triste cas des noms communs qui, à l’inverse des précédents étaient, eux, toujours ivres sinon éméchés. Au singulier comme au pluriel, ils avaient toujours à portée de main une petite lampée de S ou de X selon le cas, si bien que pour éviter les conflits sociaux et les écueils grammaticaux, j'ai décidé de toujours les laisser invariables. Ces mots, spécifiquement gaillards, égrillards et toujours en retard faisaient tant de dégâts dans la phrase qu’elle a préféré les exclure du « Canard ». Impossible de … Comment, tu ne sais pas ce qu’est le « Canard » ? Excuse-moi, ce n’est pas évident ! Autant pour moi. Ce sont les initiales qui désignent le Catalogue pour les Accords des Noms Réguliers et Domestiques : Le C.A.N.A.R.D. !

            Ces chenapans ivres morts semaient la pagaille partout, incitaient les enfants à faire des fautes d’accord dans les dictées et négligeaient abondamment leurs articles et adjectifs qualificatifs. Ce n’était plus possible. J'ai donc décidé de les sevrer et de les rendre insensibles à l’alcool, de les immuniser contre le pluriel.

Voici pourquoi à présent, tous les noms qui se terminent par un S ou un X et ce, dès le singulier, sont invariables. Soutenus par leurs amis qui eux, sobres et sérieux, ont le droit de prendre un petit coup de pluriel si nécessaire. Il en va ainsi des :

 Noix, Voix, Poix, Perdrix ainsi que tous les noms qui prennent un X déjà au singulier. Quel gâchis ! (Tiens le mot « Gâchis » est là aussi !).

 Et tous les Vis, Souris, Ananas, Logis qui eux ont déjà un S même lorsqu’ils sont seuls. Je n’avais pas le choix… (Tiens le mot « Choix » est là aussi !).

            En résumé, et pour enfin poursuivre mon histoire de « Troubadour des mers », je te confirme, que les noms communs terminés au singulier par un S, un X ou un Z sont INVARIA-BLES.            

-          Allez !  raconte-nous ton histoire de pirates !

-          Patience, les enfants ! A cette époque, donc…Au fait, vous vous  souvenez de la date ?

-          14 cent machin, je crois.

-          Tu y es presque Adji !

-          14 cent bidule ?

-          1523 ! Décidément, il faudrait faire travailler votre mémoire, les amis ! Ainsi, dans les années quinze cents, le commerce avec le nouveau continent, que l’on appela plus tard l’Amérique, allait bon train, ou, si je puis dire bon navire. Car les seuls transports maritimes permettaient le commerce des denrées recherchées. Et bien entendu, mon ancêtre, capitaine courageux, participait activement à ce commerce. Plus de dix fois il affronta tempêtes et houle, les longs mois d’isolement perché sur sa coquille de noix, entouré uniquement de marins inquiétants à la barbe hirsute et aux mœurs renfrognées. Ah il en fallait du courage pour affronter les éléments. Oh, il en fallait de l’énergie pour gouverner de tels énergumènes. C’est bien simple, à chaque voyage, il risquait la mutinerie. « Holà, capitaine, ta nourriture n’est pas bonne, et la ration de « S » trop petite ! » « Dis-nous capitaine, est-ce normal que des rats couchent dans mon hamac et prennent toute la place ? » « Depuis quand commandant, des flibustiers tels que nous sont-ils obligés de laver leur écuelle une fois le repas terminé ? » Et j’en passe. Des récriminations que le Capitaine parvenait généralement à maîtriser à grands coups de fouets et de fermeté, d’humour et de bons mots, mais toujours avec justice. Il faut dire que ses sous-officiers n’étaient autres que les verbes DIRIGER, REFLECHIR et RUSER et que le « Troubadour des mers » n’était pas le seul parfois à filer droit. Or un jour, la cargaison à transporter vers Saint-Malo depuis la côte américaine n’était autre que … Tenez les amis, essayez de deviner ?

-          Heu … Des tissus ?

-          Non !

-          De l’or et des pierres précieuses ?

-          Pas mieux !

-          Des micro-ondes ?

-          Mais enfin, Lelales ; à cette époque, les micro-ondes n’existaient pas !

-          Ah bon ! Je ne sais pas moi alors : des téléviseurs ?

-          Mon pauvre Lelales !

-          Des barres de céréales chocolatées !

-          Tiens ! Pourquoi dis-tu cela Nom Commun ?

-          Je ne sais pas ; peut-être parce que j’en mangerais bien une.

-          Moi je donne ma langue au chat.

-          Tu as raison, Adji, c’est préférable. Mes pauvres petits, vous n’êtes pas très doués pour les devinettes ! La cargaison, voyez-vous n’était autre qu’un chargement immense de tonneaux remplis à ras bord de « liqueur de S ». A perte de vue, ces bons gros tonneaux ronds et cerclés, empilés les uns sur les autres, encombraient le port de ………... direction la France où cette boisson exotique ne tarderait pas à faire, outre la fortune de l’armateur, le régal des noms communs, friands d’alcool (hormis ceux que j’évoquais plus haut !) le bonheur des déterminants, la joie des adjectifs qualificatifs, bref de tous les mots appréciant le pluriel ! « Ola capitaine- avait dit le commanditaire, un académicien cossu et richissime, à mon ancêtre – Je vous confie mes tonneaux ; prenez bien garde que pas un seul d’entre eux ne soit renversé, perdu ni éventré. Pour chaque défaillance, vous-même, entendez-vous, payerez la perte évaluée ! Suis-je bien clair ? » « Précisément, monseigneur : tout tonneau détérioré le sera à mes frais. » « A la bonne heure. Vous êtes un brave homme et je vous confie mon bien sans réticence. Bon voyage, bon vent et gare aux pirates. Mon filleul réceptionnera cette cargaison d’ici deux mois à Saint-Malo. » Et c’est ainsi que le « Troubadour des mers » prit la mer, les flancs pleins à craquer d’une liqueur aussi prisée que le rhum !

-          Il ne lui est rien arrivé en chemin, hein Mamie ?

-          Chut Lelales, écoute ce que raconte Mamie !

-          Toujours pressé celui-là !

-          Gna gna gna !

-          Allons les enfants, cessez de vous chamailler. Hé bien pour répondre à ta question, Lelales, pendant ce voyage se sont hélas passés un grand nombre d’événements. Des faits si graves que tout l’équipage faillit se mutiner. Le commandant et ses officiers firent preuve de beaucoup de diplomatie mais aussi de poigne pour que tout rentre dans l’ordre. Tout d’abord, mille sabords, revenons au point de départ. Le Capitaine connaissant bien ses marins, était convaincu que s’il laissait ses hommes à proximité d’un chargement aussi précieux, la convoitise, la gourmandise ou la soif ne tarderaient pas à le ruiner. Imaginez une troupe assoiffée de marins ivres autour d’un tonneau de « S » éventré. Slurp ! L’ivresse, la violence et la mutinerie ne tarderaient pas, du moins le pensait-il, à faire couler outre le breuvage, le vaisseau tout entier. Adieu la cargaison, adieu mon Troubadour et bonjour les requins. Pas si bête, le capitaine avait sévèrement constitué son équipage. A bord, pas un seul matelot friand de « S ». Tous invariables ou consommateurs de « « X ». Voilà l’équipée ! « Comment vous nommez-vous, matelots ? » « Gros bras mon capitaine » « Et que buvez-vous d’ordinaire ? « Rien bon sang de bonsoir votre honneur ! Nous sommes invariables. Si on prend une lichée de quoi que ce soit, on vomit comme des… » « Bon, bon, je vous crois sur parole. Beurk ! » « Et vous, moussaillon, quel est votre nom ? » « Je me nomme animal, amiral » «  Un petit coup de S pour fêter le départ ? » « Que nenni, votre seigneurie, je ne bois que de l’eau sur un bateau ! …Et un petit coup de « X » pour les animauX » « Fort bien. Et toi flibustier, comment te nomme-t-on ? » « J’ai pour prénom cheval mon capitaine et comme ma jambe je suis de bois, Quant à ma langue, ne vous déplaise, elle est aussi de bois, cela va de soi ! ». Véritablement, le test semblait efficace, les entretiens sérieux et encourageants. Ainsi furent sélectionnés sur le navire un grand nombre de noms communs n’aimant pas le « S », gage pour chacun des marins à l’accostage, d’une solde élevée pour l’époque. Certes la traverse de l’Atlantique serait rude, mais au final, chaque matelot se verrait attribuer un salaire alléchant, d’où un grand nombre de prétendants à l’embarquement. « Qui es-tu ? » Marteau est mon nom et mon prénom je m’en tape ! Certains me surnomment “ Jojo cogne dur ”» « Bois-tu ? » « Comme tout le monde ! » « Du X ou du S ?» « Du X… Le S me rend marteau ! » « Bienvenue à bord ! ». Bref, au total, une quarantaine de marins, matelots, mousses et sous-officiers triés sur le volet.

-          Ben alors, il est où le problème ?

-          J’y viens Lelales, j’y viens ! Parmi cette foule de noms communs patibulaires, des clans ne tardèrent pas à se constituer. Vous savez, l’expression « qui se ressemble s’assemble » prend toute sa signification dans les milieux mal famés ! Mon ancêtre, dans ses mémoires évoqua, bien plus tard ces événements tragiques et c’est de sa main que je souligne ce qui suit :

 

Voici sur le « Troubadour des mers », traversée Février 1521, les quatre bandes rivales que nous dûmes affronter pour la sauvegarde du navire et de sa cargaison :

Les noms terminés par S ou X, invariables,

Les noms en EAU faisant EAUX au pluriel,

Les noms en AL faisant AUX,

… et les traîtres !

Tous répartis ainsi  (J’ai annoté pour chacun son caractère) :

Invariables

Mots en S, X et Z au singulier

Eau=> eaux

Al et ail =>aux

Bois (tête aussi dure que sa jambe, mais bonne pâte)

Bras (et son copain l’adjectif  qualificatif « gros » ; ne se quittaient jamais… Portaient bien leur nom)

Quiz (un étranger venu d’on ne sait où et qui jouait sans cesse à ses moments perdus).

Riz et os (nos cuisiniers)

Voix (chantait sans cesse)

Marteau (Le surnom « Jojo cogne dur » lui allait vraiment bien)

Seau (Moussaillon  un peu sot affecté au nettoyage)

Taureau (Un caractère de vache !)

Blaireau (Toujours mal rasé)

Gâteau (Notre pâtissier)

Cerceau (rond toute la journée)

cheval  (un vrai galopin)

rival (jaloux invétéré)

animal (Bonne bête malgré tout !)

arsenal (armé jusqu’aux dents)

soupirail (renfermé, même s’il ne manquait pas d’air)

ail (une bonne tête !)

bail (sympathique… à louer)

vitrail (Pas clair !)

émail (ce gars était verni !)

Ainsi que quelques autres, notamment les quartiers-maîtres en « ou » friands de X : Chou, bijou, caillou, genou, hibou, pou et joujou.
Rien à signaler à leur sujet !
Et enfin la catégorie des maudits traîtres !                                                  

-          Mais enfin, qui sont ces maudits traîtres dont le Capitaine parle sans arrêt ?

-          Attends, Nom Commun, tu vas comprendre. En fait, le capitaine, pour satisfaire ses turbulents matelots avait également embarqué sur son navire deux gros tonneaux de « X ». Consommation personnelle ! Il avait calculé que six cents litres de cette boisson alcoolisée suffiraient pour les deux mois à venir. Ainsi, chaque matelot, avait journellement droit à une ration de 3 litres.

-          3 litres par jour de pluriel !

-          Mais oui, Lelales ! A cette époque, le métier de marin était extrêmement difficile et, ne le cachons pas, l’alcoolisme une véritable plaie.

-          Ben dis donc, quand je pense, que nous, les mots variables, Mamie, nous accordes juste un petit « S » ou un petit « X » de temps en temps !

-          De quoi te plains-tu, Lelales. Tu ne manques de rien pour tes accords ? Tu parviens toujours avec les mots qui t’accompagnent à gérer le pluriel comme il faut !

-          D’accord, mais tout de même !

-          Alors ces traîtres !

-          J’y viens, Nom Commun ! Un matin, à l’aube, le sous-officier DIRIGER frappa à la cabine de mon ancêtre : « Capitaine. L’un des tonneaux de « S » a été éventré et son contenu évaporé ! » « Comment ! Mais qui ? » « Je ne sais pas capitaine ! » « Par la barbe de ma grand-mère, tout le monde sur le pont, pavillon en berne, jetez l’ancre, réveillez-moi ces crapules, je trouverai le coupable ou je ne me nomme plus « capt’aine DES MOTS ! »

-          Capitaine DES MOTS !

-          Oui, Adji, c’était son nom. Je ne vous l’avais pas encore dit ?

-          Ce nom me dit quelque chose !

-          Bien sûr Nom Commun. Tu as certainement entendu parler de ce célèbre écrivain du 19ème siècle qui s’est inspiré de l’ancêtre de MAMIE pour écrire un roman. A bord d’un sous-marin de son imagination, le « MOTILUS », il écumait les mers et éperonnait tous les navires ennemis.

-          Mais oui, bien sûr. Tous les enfants l’ont lu ce roman ! « 20 mille vieux sur les nerfs » et son auteur…

-          Jules VERBE.

-          Ainsi, Mamie, est la descendante d’un pirate célèbre !

-          Dans ma famille, tous vénèrent ce capitaine qui oeuvra beaucoup en son temps pour la langue française, en luttant contre les dialectes mal fagotés de l’époque ; mais revenons à notre histoire. « Tout le monde sur le pont ! Portez-moi mon sabre, mon escopette et…deux biscottes parce que j’ai faim ! »

-          Mais les biscottes n’existaient pas à cette époque !

-          Je sais bien, Adji ! Non, là c’est moi, MAMIE GRAMMAIRE qui vous demande deux biscottes parce que j’ai les crocs !

-          Tiens !

-          Merci Nom Commun.

-          « Matelots, l’heure est grave ! Donne-moi à boire Lelales, merci ! Un voleur s’est glissé à bord. Qu’il se dénonce et il aura la vie sauve. Sinon, foi de moi-même, je mènerai une enquête, je le percerai à jour et sa carcasse d’escroc nourrira les poissons de l’océan. Dernier avertissement : que le coupable se dénonce ! » Face à lui, la star académie des pires bandits de la terre. Crocs et poils, crasse et cheveux longs, tatouages et bouches sans dents. Imaginez le décor ! C’est alors que mon ancêtre se rendit compte que tous ces abrutis, machinalement sans doute, s’étaient regroupés par clans. Les invariables d’un côté, ceux en EAU de l’autre. Bref, voyez le tableau ! Et soudain, la vérité lui sauta aux yeux. « Bon sang, mais c’est bien sûr ! » bourrella-t-il. Juste sous ses yeux, un quatrième clan s’était constitué, armé jusqu’aux dents, prêt à se mutiner ; le capitaine en était convaincu. Voilà pourquoi il rusa méchamment et dit… Si vous le permettez, je lui laisse la parole :

Tas d’abrutis, de crétins, de … Non, là je passe sur ses mémoires  …ces pirates sans foi ni loi m’avaient trompé, moi, Capt’aine DES MOTS, le grand, le craint, le terrible ! Je n’avais pas remarqué, lors des entretiens individuels que certains marins cachaient leur goût pour le « S ». Ces malfrats camouflaient bien leur jeu me laissant croire qu’ils préféraient le pluriel en « X ». Les traîtres !

-          Ah c’est donc ça ! Ils buvaient du « S » en cachette !

-          Exact Adji. Alors que tout le monde pensait qu’ils prenaient un « X » au pluriel.

-          Mais qui sont ces traîtres ?

-           J’ai la liste, mon ancêtre les a percés à jour :

-          (J’ai également annoté pour chacun son caractère de rat !)

Mots singuliers en al

faisant « als » au pluriel

Mots singuliers en eu

faisant « eus » au pluriel

Carnaval, Festival, Bal, Cérémonial et  Récital: (ne pensaient qu’à faire la fête !)

Chacal (bête fauve sans foi ni loi)

Régal (aurait pu être un bon gars)

3 traîtres de moindre taille : Aval, Cal et  Pal

Bleu (N’arrêtait pas de se battre : qu’est-ce qu’il prenait comme coups !)

Emeu (Imbécile qui faisait tout le temps l’autruche)

Lieu (Avait une tête de poisson)

 

-           Petits rusés ! Ainsi tous ces pirates avaient vidé le tonneau de « S » pour leur propre compte !

-          Pire encore, Adji, ils avaient l’intention de se rendre maîtres du navire, de tuer le capitaine et de s’emparer de la cargaison.

-          Une mutinerie !

-          Mais comment ton ancêtre s’est-il sorti de ce mauvais pas ? Car si j’ai bonne mémoire, tu nous as déjà raconté les circonstances de son décès, arrivé bien plus tard. N’est-ce pas Lelales ?

-          Beurk !

-          Ecoutons-le : « Voyant que ces redoutables brigands n’attendaient qu’une occasion pour me jeter, moi et mes officiers par-dessus bord, nom d’un petit bonhomme de mousse! Je pris l’initiative futée de calmer le jeu lors de ce rassemblement. (enfin, disons que c’est l’officier RUSER qui m’a soufflé l’idée… mais sur mon ordre !) « Soldats, je ne vous en veux pas ! Votre travail sur ce navire  est rude. Je comprends que quelques écumeurs des mers tels que vous aient envie d’un peu de bon temps. La distraction vous manque, pas vrai les amis ? Un rire gras aux effluves d’ail et d’alcool en signe de réponse me parvint aux narines (moralité : ça narine pas qu’aux autres !). C’est pourquoi, moi, votre capitaine « bien-aimé » (un peu d’ironie ne pouvait qu’endormir leurs soupçons), j’ai décidé d’offrir à tout l’équipage une ration supplémentaire de ratafia. Officiers, remplissez aux trois quarts les quarts de  la moitié des hommes… Non, remplissez tous les quarts de la moitié des hommes de quart… Non, remplissez les quarts aux trois quarts –là j’ai bon – de tous les hommes…. Enfin bref, servez à boire un petit coup de « X »  à tout le monde ! Quant aux noms invariables, je double leur ration de rien ! Bien entendu, et la ruse était bonne, ces ballots se mirent à hurler leur joie, à se serrer les uns dans les bras des autres, les autres autour du cou des uns, d’autres encore se serrèrent la ceinture, et enfin nos maudits traîtres se serrèrent tout court en se demandant comment, eux, adeptes du « S », ils allaient pouvoir plus longtemps cacher leur vice en refusant ce « X ». Car toi, moussaillon qui lis mes mémoires, connais-tu les effets pervers d’un petit coup de pluriel mal servi ? Diarrhées, perte de conscience, coup de boule, vomissements et tremblements : voilà ce qui arrive à un mot dont le pluriel est mal choisi. L’orthographe, foi de Capitaine Des Mots est avant tout une question de santé, ne l’oublie jamais, microbe, lorsque tu places un « S » à la place d’un »X », ou un « E » à la place d’un « T » dans le pluriel des noms ou les conjugaisons, non de non ! Par chance, j’eus une fois encore cette lueur d’esprit d’innover dans l’astuce (enfin, disons que c’est l’officier RUSER qui m’a soufflé l’idée… mais toujours sur mon ordre !). Je m’adressai à ce groupe illégitime et redoutable : « Mes amis, le pont n’est pas assez grand pour festoyer comme il convient. Venez avec moi, je vous ferai l’honneur de ma cabine, où nous pourrons plus aisément trinquer et faire davantage connaissance. Je lus sur le visage des plus perfides un sourire entendu. Ils comptaient bien, les bougres, une fois dans mon réduit, m’estourbir et prendre le commandement du « Troubadour ».  Ce qu’ils ignoraient ces crétins empaillés, c’était qu’un comité d’accueil les y attendait déjà, dans ma cabine !  Deux quartiers-maîtres, un mitrailleur, un homme à tribord et deux… Non, trois quartiers-maîtres, deux hommes à bâbord  et un  trimailleur. Qu’est-ce que je dis, moi : un quart des mitrailleurs à tribord bordaient deux maîtres … Hou lala ! Bref  six fusils, des tromblons pour être précis, se pointèrent d’un seul homme vers ces méchants vilains ! « Haut les mains les traîtres ! » Mains qu’ils levèrent  fidèlement bien haut, histoire de ne pas être repassés ni troués pareillement à  de vieilles chaussettes becquetées par les rats (rats qu’ils étaient eux-mêmes). Direction le fond de cale à fond de train, après avoir, comme il se doit, abandonné leurs armes au râtelier (vu qu'ils étaient sur les dents !) ! Misère, quelle artillerie !  Cette nuit-là, je sacrifiai  certes, une partie des rations de  « X » ;  je dus également pacifier le navire à coup de triques et de fouets pour séparer des marins ivres. Mais au final  je m’en sortais bien car je ne déplorai la perte que d’un seul et unique tonneau de « S » et  j’avais mis la main sur un banc de requins lâches et vils, Ces maudits filous battaient la mesure… Non, ces vilains bâtards filaient la misère… Ce matin un lapin… Mais qu’est-ce que je raconte, moi, je vais me coucher, j’ai les oreilles qui sifflent…

Au milieu de l’océan ce satané jour sacré du 22 Février 1521

-          Et voilà la fin de l’histoire !

-          Dis donc, mouvementée la traversée.

-          Tu as raison Adji.

-          J’ai l’impression qu’il n’avait pas que les oreilles qui sifflaient, ton capitaine, quand il a écrit ses mémoires. On aurait dit qu’il avait un peu bu en les écrivant !

-          Trois litres par jour, c’était la bonne mesure, et pour tout le monde, capitaine compris !

-          Inimaginable !

-          Surtout dur à digérer. Je comprends qu’à l’époque, la langue française n’avait pas encore toute sa tête.

-          Allons, les enfants, cessons de bavarder. Aux devoirs et vite !

-          Sympa ton histoire de pirates.

-          Tu nous en raconteras d’autres ?

-          MAMIE, la descendante du Capitaine DES MOTS ! Ça alors !

-          Tout de même, trois litres de pluriel par jour !

Quant à toi, ami, avant de partir vaquer à tes occupations, retiens bien ce conseil de MAMIE GRAMMAIRE : méfie-toi bien de ces traîtres dont tu penses qu’ils se terminent par un « X » au pluriel, alors qu’ils se collent un petit coup de « S » derrière la cravate. Au besoin, relis les tableaux de son ancêtre !

En passant, un petit dernier pour la route, si j’ose dire, et qui n’existait pas à l’époque de notre histoire. Songe bien que le mot pneu prend lâchement un « S » au pluriel : un pneu / des pneus… Sans doute pace que sur l’asphalte, il glisssse mieux ! Hi hi !

-          Très drôle !

-          Merci les enfants ! A présent au boulot et que ça saute !

Si vous en voulez d'autres, dites-le.... 


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